Journées d’études transdisciplinaires organisées par l’équipe ETHOS de TEM et la SPSG, en association avec le Centre à Paris de l’Université de Chicago.
Les 16 et 17 mars 2017 à l’Université de Chicago à Paris, 6, rue Thomas Mann, 75013 Paris.
Deleuze et le management ! Deleuze aurait probablement détesté un tel rapprochement, lui qui a eu des mots très durs contre la production de concepts revendiquée par le marketing. Et pourtant Deleuze parle de tout ce qui nous anime en théorie des organisations ou en management, mais voilà chaque fois il le prend d’un autre côté, ou le subvertit, il lui fait dire autre chose que ce que nous faisons d’habitude. Quand on parle de hiérarchie, plates, verticales ou inversées, lui nous dessine un rhizome, vivace et acéphale. Lorsqu’on parle de motivation, il nous parle du désir, et nous demande pourquoi nous sommes amenés à désirer cela même qui nous asservit. Nous pensons le pouvoir pour conduire le changement, pour lui le pouvoir est ce qui fige les devenirs et les identités. Nous cherchons des organisations qui fonctionnent, un esprit de corps, lui théorise un corps sans organe, non asservi à ses fonctions. On parle identité, lui devenir ; routine, lui ritournelle ; plan, lui événement ; storytelling, lui agencement collectif d’énonciation ; leadership, lui un jeu de vitesses, d’intensité et de mots d’ordre.
De même pour conduire la recherche. Nous cherchons à interpréter, à composer la bonne représentation, à saisir des systèmes, lui nous invite à expérimenter et créer, à repérer des différences, des répétitions et des devenirs, à identifier les lignes de fuite. Nous nous attachons à la justesse de l’interprétation des auteurs, lui pratique une lecture inventive et productive de nouvelles possibilités de lectures qui étaient à l’intérieur du texte lui-même. Nos textes suivent un format et une langue normée, lui appelle à faire bégayer la langue majeure pour lui faire dire ce qu’elle ne parvient plus à exprimer. Nous inscrivons nos recherches bien rangées dans le mur de la connaissance, lui aime sentir une danse de la vie et de la pensée. Et il nous rappelle que les concepts que nous créons doivent être évalués selon leurs effets sur les modes d’existence.
Deleuze animait la scène parisienne, et parlait bien peu l’anglais. Et pourtant, paradoxalement, bien peu de recherches en théorie des organisations francophones se sont inspirées de sa philosophie (Duymedjian & Ferrante, 2016 ; Deroy, 2088, Moriceau, 2004). Dans d’autres langues, l’apport de Deleuze pour (re-)penser l’organisation a été plus largement souligné (Linstead &Thanem, 2007 ; Carter & Jackson, 2004 ; Fuglsang & Born, 2002 ; Cavalcanti, 2016). Les textes de Deleuze ont notamment été utilisés pour penser l’organisation en termes de société de contrôle (Sorensen, 2005 ; Cluley & Brown, 2015 ; Weiskopf & Loacker, 2006 ; Martinez, 2011), de (dé-)territorialisation (Johansson & Kociatkiewicz, 2011; Munro, 2016), de rhizome (Lawley, 2015), de corps sans organe (Thanem, 2004), de nomadisme (Lucas, 2014), de créativité destructrice (Jeanes, 2006) ou d’agencement machinique (Pedersen, 2008). Des perspectives alternatives ont été proposées sur l’éthique (Painter-Morland, 2011; Deroy & Clegg, 2011), sur la comptabilité (Neu et al., 2009) ou sur le genre (Linstead & Pullen, 2006). D’autres façons de se rapporter au terrain (Curtis, 2008 ; Buser, 2014), au temps (Lilley, 2009) ou à la gouvernementalité (Carnera, 2012). D’autres façons d’écrire sur le capitalisme en tentant le paradoxe d’une ethnographie deleuzienne (De Jong, 2014) ou d’interpréter la littérature (ex. Beverungen & Dunne, 2007).
Avec Deleuze, nous voici avec une forêt de concepts et de perspectives qui peuvent nous inviter à repenser, re-décrire, ré-imaginer, rebâtir notre discours sur les organisations. Nous sommes invités à expérimenter des pensées, à surfer sur des lignes de fuite, à traquer de nouveaux percepts et affects, à une création joyeuse de concepts. Nous sommes autorisés à regarder autrement la littérature, le cinéma, la peinture, le théâtre, à doubler la critique d’une clinique, à observer le mineur, le molaire, le non-représentatif, les machines de visagéité, à initier des machines de guerre ou constituer des agencements collectifs d’énonciation.
Nous invitons les théoriciens de l’organisation à penser l’organisation à partir de Deleuze tout comme les philosophes à prendre comme objet d’étude empirique ces choses étranges que sont l’organisation ou le management. Nous appelons aussi ceux qui détestent Deleuze. Nous invitons tous ceux-ci non pas à ajouter quelques concepts deleuziens dans leur approche habituelle mais à inventer avec Deleuze d’autres façons d’écrire, de conceptualiser, de décrire, d’approcher et de relier.
Comité scientifique
Yoann Bazin (Istec et SPSG), Fabrice Bourlez (ESAD), Malik Bozzo-Rey (UCLille/Éthique Économie Entreprise), Pierre-Antoine Chardel (TEM/Ethos), Carine Dartiguepeyrou (Uniqueness), Jean-Philippe Denis (Univ. Paris Sud), Xavier Deroy (CNAM/Lirsa), Raffi Duymedjian (Grenoble Ecole de Management), Olivier Fournout (Télécom Paristech), Guillaume Ferrante (École de Management de Normandie), Yannick Fronda (TEM/Ethos), Olivier Germain (Univ. Québec à Montréal), Rémi Jardat (Univ. Paris Est-Créteil), Armen Khatchatourov (TEM/Ethos), Erwan Lamy (Novancia et SPSG), Romain Laufer (Groupe HEC), Hugo Letiche (Univ. Leicester), Laurent Magne (ISG et SPSG), Philippe Mengue (Univ. Populaire d’Avignon), Jean-Luc Moriceau (TEM/Ethos), Yvon Pesqueux (CNAM/Lirsa), Baptiste Rappin (Univ. Lorraine et SPSG), Richard Soparnot (ESSCA/Ethos), Tiziana Villani (Univ. di Roma La Sapienza).
Comité d’organisation
Jean-Luc Moriceau, Hugo Letiche, Pierre-Antoine Chardel, Yoann Bazin, Yannick Fronda.
Calendrier
10 février : date limite d’envoi des propositions sous forme de résumé étendu 4000 à 10000 signes tout compris.
27 février : retour aux auteurs et sélection des propositions
16 et 17 mars : journées d’étude
Voir l’appel: Deleuze et le management3